La Città dei mestieri sfida la crisi delle periferie

Texte paru (traduit en Italien par Cecilia L. Comastri) dans le quotidien national italien "Il secolo XIX" dans la rubrique "Commenti eopinioni", le 20 novembre 2005 à l'occasion d'un colloque sur les compétences des immigés, organisé par la Cité des métiers de Genes.
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Les Français ont été étonnés de voir comment les événements survenus dans les quartiers « sensibles » lors des trois dernières semaines étaient décrits et perçus hors de France : pour la majorité d'entre nous, il s'agit d'une situation extrêmement préoccupante, mais non d’une guerre civile. Certes le parlement vient de voter une loi pour la prorogation de la possibilité de mettre en place des couvre feux locaux, mais de fait, il n'y a eu que très peu d'applications réelles de telles mesures. Une forte proportion des habitants comprend que derrière la question actuelle du retour au calme et du maintien de l'ordre c'est surtout celle de la formation et de l'emploi des jeunes et moins jeunes des quartiers dits "sensibles" qui se pose.

La Cité des métiers de Paris se situe à la limite entre le 19° arrondissement de Paris et le Département de la Seine Saint Denis qui a vécu beaucoup de troubles durant les deux dernières semaines. Nous sommes fréquentés par une forte proportion de publics issus de ce type de quartiers. Pour autant, nous n'avons connu absolument aucun problème durant cette période. La grande majorité des incendies ou des échauffourées ont eu lieu au sein même des quartiers en difficulté et non dans les environs. Ainsi seuls quelques véhicules ont été incendiés dans Paris intra muros et aucun lieu public n'a été endommagé dans Paris. Et même si à Belfort, dans l’Est de la France, la Cité des métiers est implantée au coeur d’une de ces zones, aucun incident n’est à déplorer dans ses murs.

Cela dit, bien que nous n'ayons été ni victimes ni témoins directs de ces violences, nous imaginons bien les difficultés des habitants de notre environnement dont beaucoup se voient privés de tout moyen d’en sortir et même de s’en sortir. Discriminations de toutes natures, perte de l'estime de soi, impossibilité de se projeter dans l'avenir, tentation des l'économie parallèle... Ce sont d'ailleurs ceux qui ne viennent jamais dans des lieux comme la Cité des métiers qui sont les plus frappés. Un tout jeune chef d'entreprise, Aziz Seni issu de ce type de quartiers de banlieue vient d'ailleurs de publier un livre intitulé "l'ascenseur social est en panne, prenez l'escalier"... (éditions de l’archipel) Mais, force est de constater que beaucoup de ces jeunes ne sont plus en mesure de trouver un quelconque escalier.

En réalité, de telles flambées de violence, certes plus circonscrites, se sont déjà produites dans plusieurs de nos pays européens : de fait, nos sociétés génèrent des territoires de pauvreté qu’elles abandonnent à la désespérance. Là, de temps à autre la pression fait sauter le couvercle et les plus agités perpètrent des actes que l’on ne peut que qualifier d’aberrants : brûler des bus, des salles de sports, agresser des voisins aussi démunis qu’eux... Les autres assistent impuissants à ces accès de fièvre et se retrouvent, une fois un semblant d’ordre social revenu, encore plus privés d’espoir et de sens.

Pour des organismes aidant à l’orientation, l’insertion et l’évolution professionnelle comme nos cités des métiers, il saute aux yeux que trois familles de problèmes nous concernant sont sous jacents à cette « crise » des banlieues : ceux liés à l’envie et la possibilité de construire un projet professionnel crédible, ceux liés aux discriminations à l’embauche ou au soutien aux projets et enfin ceux liés à l’identification et à la reconnaissance des compétences.

Or, sur ces trois problèmes, des solutions connues peuvent contribuer à améliorer la situation. Pour donner l’envie et les moyens aux jeunes de construire des projets d’avenir, il est possible de multiplier les lieux de proximité comme les Cités des métiers, à savoir accueillants, ergonomiques et conçus à la fois pour écouter les préoccupations, favoriser l’émergence, l’exploration et la comparaison d’idées pour son avenir ou celui de ces proches. Pour réduire les discriminations, plusieurs idées font leur chemin, comme celle de l’utilisation des CV anonymes par les services d’emplois ou celle des recrutements par simulation qui consistent à remplacer les classiques entretiens d’embauche par des mises en situation professionnelle et de véritables tests des habilités, limitant les risques de recrutement au faciès. Enfin, en ce qui concerne la question de l’identification et de la reconnaissance des compétences, plusieurs outils ou dispositions réglementaires très prometteurs ont émergé, dont nous allons justement parler dans le colloque « extracompétence » mis en place ce 24 novembre à la Cité des métiers de Gènes : il s’agit par exemple des arbres de connaissances, qui permettent de prendre conscience de ses savoir faire et de les situer par rapport à ceux des autres ou des lois sur la validation des acquis de l’expérience qui permettent aux adultes de faire reconnaître par des diplômes classiques leur expériences acquises sur le tas au travail.

Espérons que les récents événements en France auront eu pour mérite d’attirer l’attention sur ces problèmes et de faire avancer ces éléments de réponse.

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Dr Olivier Las Vergnas,
Créateur en 1993 et depuis Directeur de la Cité des métiers de Paris,
Délégué à l’insertion et à la Formation professionnelle de la Cité des Sciences et de l’Industrie,
Secrétaire Général du Réseau international des Cités des Métiers.

Les Cités des métiers, comme celle de Gènes et de Paris, sont des espaces publics d’information et de conseil, co-animées par les organisations spécialisées, comme les services de l’emploi et de l’orientation. Au nombre de 18 (dont 8 en France et 5 en Italie comme à Gènes), elles aident toute personne à choisir son orientation, trouver un emploi, trouver une formation en formation continue, créer son activité ou changer sa vie professionnelle, évoluer, valider ses acquis. Proposant à la fois des entretiens de conseils sans rendez-vous, une documentation multimédia et régulièrement des ateliers et séances d’information, elle fonctionne dans le respect de l’anonymat et en accès libre et gratuit.