septembre 1996, paru dans la revue Alliage

 

Pourquoi et comment
la Cité des Sciences et de l'Industrie
se préoccupe-t-elle de la vie professionnelle ?

 

 

Préambule

 

Il n'est pas aujourd'hui de profession qui ne soit bouleversée par l'évolution technique et scientifique. Les révolutions technologiques s'accèlèrent et depuis plusieurs décennies, nous voyons bien qu'il n'est plus d'actualité de séparer des métiers "technologiques" de ceux qui ne le seraient pas : dans les administrations, les secteurs des communications, du commerce, de la santé, des loisirs et de la culture, la technologie et le progrès scientifique sont au coeur de la vie professionnelle de chacun. Une révolution touchant l'organisation et la conception même du travail est en marche qui concerne tous nos concitoyens.

 

Ces bouleversements prennent place dans un contexte où la situation économique génère pour chacun des inquiétudes : crainte de stagnation, d'inadaptation aux transformations d'outils et de process, voire de déqualification pour soi même, angoisse pour l'avenir et l'insertion professionnelle de ses enfants ...

 

Les pouvoirs publics et les acteurs du développement économique, les services de l'emploi et de la formation tentent de faire face à cette situation. La formation permanente est devenue une nécessité indiscutable ; la mobilité et l'anticipation sont devenues des leitmotiv des professionnels des ressources humaines.

 

Par sa nature technologique et par ses enjeux économiques, ce contexte concerne également les politiques de développement culturel.

 

Aider nos concitoyens à mieux identifier les transformations du travail, des professions pour leur donner les moyens d'être plus acteurs de leur vie, de préparer avec leurs enfants des projets professionnels crédibles, voilà sans doute des enjeux cruciaux du développement d'une culture scientifique, technique et industrielle pour le plus grand nombre.

 

C'est pourquoi, la Cité des Sciences et de l'Industrie (CSI) s'est impliquée, en étroit partenariat avec les services compétents, dans une politique d'information et de services dans le champ de l'anticipation professionnelle et l'évolution du travail et des métiers.

 

Cette politique complète les autres offres de la CSI plus traditionnellement fondées sur la curiosité des publics et sur la réponse aux besoins d'outils d'illustration de l'éducation initiale.

 

Cette ouverture a en outre une autre grande vertu. S'intéresser à la vie professionnelle et au travail permet à la CSI d'être identifiée comme un lieu répondant aux préoccupations réelles de tout un chacun. Nous pouvons ainsi toucher des publics qui n'ont pas l'habitude de fréquenter des lieux culturels pour leur en faire comprendre l'intérêt. Refuser cette ouverture signifierait se limiter aux publics qui sont déjà initiés, c'est à dire favoriser l'exclusion culturelle plutôt que la réduire.

 


UNE OUVERTURE  MURISSEMENT PROGRESSIF

 

En mars 1984, deux ans avant l'ouverture de la Cité des Sciences et de l'Industrie, est créé, suite à une étude[1] commanditée par l'Etablissement Public du Parc de La Villette à l'Agence pour le Développement de l'Education Permanente, un "centre de formation" dont l'objectif est de développer à La Villette la fonction éducative et formative dans toutes ses dimensions.

 

Dans un premier temps (de 1984 à 1987), ce centre donne naissance au "Service Education" (classes Villette et formations enseignants) et au "Passage des métiers", zone d'information et de services sur l'emploi et l'orientation au sein de la Maison de l'Industrie, fondé sur un partenariat avec l'ANPE et le CIO Interjeunes. Enfin, en 1988, une troisième branche se transformera en "Cellule publics professionnels". Cette équipe, chargée de développer les usages de la Cité des Sciences et de l'Industrie (CSI) par les stagiaires ou les salariés en formation, mettra en place des colloques et des actions expérimentales conventionnées par la Délégation à la Formation Professionnelle[2] du Ministère du Travail ainsi que des cycles de formation comme l'année spéciale animation scientifique de l'IUT de Tours qui fonctionne encore aujourd'hui[3].

 

Ce centre de formation a également piloté des actions dans le cadre de la "Mission nouvelles qualifications" et des formations financées par le Fonds National de l'Emploi, qui se nourrissaient du gisement d'emploi et de qualifications innovantes (agent d'exploitation d'exposition, architecte d'exposition, médiateur scientifique) que représentait le site de La Villette. Ces actions ont formé un certain nombre de professionnels qui travaillent encore aujourd'hui à la CSI. Elles ont également positionné la CSI et l'Etablissement Public du Parc de La Villette (en particulier la structure ad hoc mise en place pour ce faire, l'Association de Prévention du Site de La Villette) comme acteur dans les dispositifs d'insertion[4].

 

En parallèle, le lien qu'offrait le centre de formation avec le monde de la vie professionnelle amenait à poser la question de la présentation du travail, de l'activité économique et des professions dans les expositions. Des présentations de métiers sont mises en place dans les expositions, comme "Planète alimentaire", "La mode, une industrie de pointe", "C'est beau la mécanique".

 

 

Globalement, cette première période de la CSI voit l'affirmation de son rôle d'information sur les métiers et la vie professionnelle. Elle met également en évidence l'intérêt de l'ouverture de la CSI sur le monde de la formation professionnelle et de l'insertion[5].

 

Sur le site, cela signifie que le concept classique de musée-ressources, couplant expositions et médiathèque, s'enrichit d'un nouveau partenariat opérationnel avec des acteurs sociaux, prenant place dans une double logique d'éducation permanente et d'ouverture de l'école au monde culturel et économique. Ce rapprochement de logiques des sciences et des métiers suggère un parallèle avec la genèse du CNAM, conservatoire-musée mais aussi et surtout outil public de promotion sociale et économique.

 

Les deux idées suivantes commencent à s'affirmer, qui vont marquer le développement de la CSI dans les années ultérieures :

 

- Les enjeux socio-économiques et les liens entre les évolutions technologiques et professionnelles sont tels que nul ne peut vouloir développer la culture scientifique, technique et industrielle sans parler des outils et process de travail, des savoir-faire, donc des hommes et des métiers. La nécessité d'un réflexe d'anticipation professionnelle pour chaque citoyen constitue sans aucun doute une des premières finalités d'un développement culturel scientifique, technique et industriel.

 

- La préoccupation de son avenir professionnel ou de celui de ses enfants devient de plus en plus présente et s'exprime par des besoins très concrets d'information et de services. Développer ce type de fonction conduira à la CSI des publics complémentaires de ceux qui viennent pour l'offre de loisir ou de culture et qui pourront ainsi ouvrir leurs centres d'intérêts. Ce sont d'ailleurs ces publics qui devraient constituer la cible prioritaire d'établissements comme la CSI car ce sont ceux qui sont les plus en déficit de culture, y compris scientifique.

 

 

 

TROIS GRANDS CHAMPS D'APPLICATION

 

Ces deux idées retiennent l'attention du Ministère du Travail et les années qui suivent sont marquées par leur application au travers de trois grands champs, à savoir la muséographie, l'information-service et la formation professionnelle.

 

 

Dans le champ muséographique, se développent des expositions spécialisées se fondant sur la démonstration de l'exercice des métiers devant le public  et dont certaines sont en re-figuration (Naissance d'un bateau ; Les métiers du son ; Les métiers de l'hôpital ; Des métiers pour la ville).

 

 

Dans le champ information et service, cette période est marquée, en mars 1993, par l'ouverture de la "cité des métiers", espace multipartenarial, ouvert sur la médiathèque, né d'une maturation du concept du "Passage des métiers". Cet espace, destiné à aider le public individuel à choisir son orientation, trouver un emploi, trouver une formation ou changer sa vie professionnelle, a accueilli, depuis son ouverture, un million d'usagers.

 

Avec 4000 documents, 40 écrans et surtout une quarantaine de conseillers venant de 12 institutions partenaires, il s'agit d'un lieu intégré de conseils et de services qui permet aux usagers d'alterner entretiens conseils et recherches documentaires. Ce lieu fonctionne à la fois comme vitrine des institutions, aiguillage des usagers et service consommateur où l'on vient anonymement et volontairement. Une de ses particularités est d'être un lieu où travaillent ensemble, en contact direct avec plus d'un millier d'usagers par jour, des institutions[6] qui ont rarement l'occasion d'être réunies face au même public et dont les cultures professionnelles sont souvent différentes.

 

De plus, la cité des métiers produit des "évènements" réguliers (journées de recrutement, ateliers, séminaires, rencontres auteurs-lecteurs), centrés sur la connaissance et l'évolution des métiers et quelques émissions de télévision. Ces dernières tentent de transposer, dans un autre cadre, le rapport particulier qui s'instaure entre usagers et conseillers à la cité des métiers (15 quotidiennes en direct sur TéléEmploi de 10 minutes, 20 séquences de 4 minutes dans Emploi du Temps sur France 3, deux numéros d'un magazine de 52 minutes en Région, intitulé "cités des métiers" sur la 5ème, en cours de redéfinition pour 1997).

 

 

Dans le champ de la Formation Professionnelle enfin, cette période est caractérisée par la montée en puissance de produits de formation spécifiques[7]. En parallèle avec un premier programme, destiné aux stagiaires individuels des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP), se développe le programme des Segments d'Initiation aux Nouvelles Technologies (Segments INT) qui adapte au monde de la formation professionnelle le concept des classes Villette ; son objectif principal est de sensibiliser les stagiaires aux impacts des nouvelles technologies dans leur futur environnement professionnel. La réalisation de ce programme s'appuie sur un mode de gestion externe et un financement direct des pouvoirs publics.

 

De quelques segments par an en 1992, une montée en charge raisonnée permet d'atteindre 40 segments INT en 1996, ouvrant ainsi les ressources de la CSI aux dispositifs de qualification, de pré-qualification ou de mobilisation des jeunes de 16 à 25 ans (Crédit Formation Individualisé) et des Stages d'Insertion et de Formation à l'Emploi (public demandeurs d'emploi adultes) du Ministère du Travail. L'offre initiée à l'origine sur Paris, commence à s'ouvrir aux organismes de formation d'Ile de France.

 

 

 

TROIS USAGES DE LA CITE DES METIERS[8]

 

 

A la fois multi-partenaires, multi-services et multi-publics, la cité des métiers est un croisement de nombreuses personnes, nombreuses cultures et même de nombreux objectifs. Ces "multitudes" font l'originalité et l'intérêt de la cité des métiers. Elles en font aussi un système complexe. Mais sans doute cette complexité est-elle la rançon de son efficacité.

 

 

Une étude conduite de la mi-juillet à novembre 1995 par l'association IRIS sur le rôle de la cité des métiers évalué par les usagers[9] a permis d'identifier trois "niveaux d'entrée" à la cité des métiers. Si les intentions des usagers sont multiples, à l'image de la diversité de l'offre, recherche d'emploi, de stage, d'orientation, d'informations, de façon transversale à ces motifs, il y a ceux qui viennent utiliser un outil ou un service, ceux qui viennent chercher une réponse à une question, ceux qui viennent pour résoudre un problème.

 

- L'entrée "outil de service".

 

Ces usagers viennent pour la première fois à la cité des métiers dans le but précis d'utiliser le Minitel, le Kompass, la documentation, taper leur curriculum vitae, autrement dit pour exploiter une ressource précise - outil ou service - qu'ils savent pouvoir trouver sur place. Quelle que soit la finalité de leur démarche (recherche d'emploi, de stage, d'orientation, d'information...), ils viennent trouver un outil technique.

 

- L'entrée "question"

 

Ces usagers "entrent" à la cité des métiers pour trouver une réponse à une question qu'ils savent exprimer : un emploi dans un secteur donné, une entreprise pour un contrat de qualification, des informations ou un conseil sur un sujet précis... sans relier leur démarche à un outil particulier. Ils arrivent avec une question formulée qui circonscrit le champ de leur recherche et la forme de la réponse. Ils viennent d'abord la plupart du temps une première fois pour explorer les ressources existantes, repérer l'outil, le service, le conseil susceptibles de leur être utiles, puis ils reviennent pour s'en servir. Ils sont capables d'exprimer une commande. Cependant, cette commande doit être validée dans la mesure où, parfois, derrière la question se cache un problème qu'il est nécessaire de déceler.

 

- L'entrée "problème"

 

Il s'agit là d'usagers qui ne savent pas ce qu'ils cherchent ou, parfois, ne savent plus quelle question poser tant ils sont décalés par rapport aux règles du jeu ou tant ils ont tourné sans trouver d'issue. Ils n'ont pas de commande, pas de question, mais un problème qui peut se résumer de la façon suivante : voilà ma situation, qu'est-ce que vous en pensez, qu'est-ce que je peux faire? Il y a là un problème à traiter qui nécessite une analyse de situation, une relation interactive entre l'offre (conseillers le plus souvent) et la personne. Comme les précédents, ces usagers font souvent une première visite de repérage.

 

 

 

Les limites de la cité des métiers

 

 

La cité des métiers a bien sûr des limites. Trois ans d'exploitation et un million d'usagers nous ont permis de venir à bout de certaines. Toutefois, nous continuons à nous heurter à cinq d'entre elles, plus essentielles. L'avenir nous dira si les solutions que nous envisageons nous permettront de les dépasser.

 

- La cité des métiers ne pourra jamais accueillir tout le monde

 

La cité des métiers accueille en moyenne 1200 personnes par jour pour 600 m¨, drainant un large bassin parisien. Aussi grande que soit-elle, la cité des métiers sera toujours saturée, car des usagers viendront de plus en plus loin. La solution n'est donc pas d'augmenter le nombre de mètres carrés, mais d'essaimer, d'agir pour la création d'équipements de type cité des métiers ailleurs, en région.

 

 

- La cité des métiers ne peut s'utiliser qu'individuellement

 

Pour l'instant, les groupes - jeunes en stage de pré-orientation, réinsertion - ne peuvent guère utiliser "collectivement" l'espace, conçu pour un usage individuel et autonome. Il leur est donc demandé de se scinder en sous-groupes de cinq personnes maximum et, pour les moins autonomes, de s'inscrire individuellement à la prestation "clés d'accès" aux ressources documentaires.

 

Nous nous proposons donc de développer une zone qui se "visitera" collectivement et allons multiplier les manifestations collectives sur le recrutement, les initiatives de création d'emploi, l'évolution des professions et du travail. Ce même espace assurera une fonction de vitrine des activités "métiers et vie professionnelle" de la CSI, en valorisant, en particulier, le cercle de recherche d'emploi de la cité des métiers et les segments INT. L'actualité du travail y sera également présentée d'une manière directement utilisable par la public.

 

Nous allons aussi former, en amont, avec le CIDJ et d'autres partenaires, les formateurs pour qu'ils sachent se doter de leur propre centre de ressources et mieux utiliser l'offre existante. Cela favorisera ainsi l'utilisation pertinente de tous les lieux, de la bibliothèque municipale à la cité des métiers.

 

 

 

- la cité des métiers ne peut proposer plus que ce que l'on trouve sur le marché

 

Comment dépasser la simple fourniture d'offres d'emploi "comme partout" ? Il y a peu de réponses satisfaisantes, si ce n'est, peut-être, de développer le secteur "créer son activité" et d'améliorer l'information sur les dispositifs d'accompagnement des projets.

 

Cette fonction est en effet essentielle pour développer un service plus ouvert dans le domaine de l'accès à l'emploi que l'utilisation actuelle des offres existantes. On propose aux usagers une gamme de services pour leur permettre de se lancer autrement dans la vie professionnelle (passer de l'idée au projet, l'expertiser, trouver des partenaires). Ceci est actuellement conduit avec un fort renforcement du lien avec la médiathèque, en particulier son secteur Travail et Industrie et sa médiathèque des entreprises.

 

 

 

- la cité des métiers ne peut permettre de rencontrer toutes les professions tous les jours

 

La demande de rencontres directes avec les professionnels pour faciliter la découverte des métiers de manière sensible est très forte ; il est bien entendu identifié qu'il y a un chaînon manquant entre les fiches métiers, les audiovisuels métiers,  et la véritable vie professionnelle.

 

Cela pourrait se faire en multipliant le nombre d'événements et  en proposant de nouveaux usages d'Explora, l'exposition permanente de la cité des Sciences. Il s'agit là non seulement de proposer des parcours et des animations, mais aussi de développer la présentation des métiers et du travail au sein même des expositions. En réalité il s'agit alors d'atteindre un second objectif : aider le public à mieux identifier les liens entre développement scientifique et technologique, procédés de fabrication et exigence de qualification.

 

Avec le même type de finalité, la diversification de l'offre aux publics de la formation professionnelle constitue également une priorité de la CSI, en particulier par le développement de produits autonomes pour les groupes et de dispositifs d'accueils des individuels.

 


 

REPONDRE AUX SOLLICITATIONS EXTERNES

 

 

L'intérêt de ce lien entre un lieu de culture scientifique, technique et industrielle et la réalité socio-économique n'échappe pas à de nombreux acteurs ; cette période voit donc se développer une importante sollicitation externe. Nombreuses sont les collectivités qui prennent la mesure de l'originalité de la cité des métiers et nous interrogent sur sa transférabilité et son implantation territoriale.

 

Sur le terrain, un double courant s'amorce. D'une part, des élus locaux, des homologues de nos partenaires du Service public de l'emploi et de la formation et des professionnels des ressources humaines se posent la question de s'approprier cette alchimie originale de la cité des métiers dans la cité des Sciences et de l'Industrie, à la fois appréciée par les usagers et riche de potentiels pour les institutions et les équipes.

 

D'autre part, des professionnels de la culture scientifique et technique, tant en France qu'au-delà des frontières, identifient là ce qui pourrait donner un second souffle à leur action, dans un contexte socio-économique où la question de l'efficacité sociale de l'action culturelle est incontournable.

 

Dans certaines capitales régionales, nous nous retrouvons doublement sollicités, en position de dénominateur commun, par des acteurs de la sphère sociale et de la sphère culturelle. Des équipes-projets locales se constituent en particulier dans le département du Gard (Nîmes) qui s'inspirent de l'expérience parisienne. Signalons d'ailleurs que fin mars 1996, a fonctionné dans la Cité de l'Europe, à Coquelles (62), une préfiguration de l'espace métiers du littoral, premier espace inspiré en région de la cité des métiers.

 

Dans ce cadre, le rôle de la cité des métiers se limite à un rôle de conseil à l'assemblage : le développement de plates-formes multi-partenariales ne doit pas se faire dans le sens d'une standardisation, mais doit, au contraire, s'appuyer sur les caractéristiques spécifiques de chaque site. C'est bien entendu en fonction des besoins, des ressources et des accords locaux que chaque équipement doit se construire.

 

L'identification d'une bonne maîtrise d'ouvrage déléguée est essentielle. En ce qui concerne l'émergence de projets nouveaux, nous identifions mieux maintenant les conditions nécessaires à leur réussite : ils doivent être portés par une collectivité territoriale, impliquée comme maître d'ouvrage, s'appuyant sur un groupe de pilotage inter-institutionnel ; ils doivent également pouvoir bénéficier d'une prise en compte dans le contrat de plan Etat-région.

 

 

Une cité des métiers à la territorialité précise ?

 

Plus essentiellement, les idées avancent sur les modifications à apporter au concept pour mettre en place une cité des métiers ancrée administrativement dans un territoire défini et ses logiques socio-économiques : il est bien clair qu'un lien organique entre la structure et un territoire en modifiera notablement l'organisation et la responsabilité, et ce à double titre au moins.

 

En effet, si la cité des métiers de la CSI utilise positivement l'ambiguïté de son aire géographique et administrative comme un instrument de gestion, la responsabilité territoriale, elle, impose une intégration plus opérationnelle dans les réseaux ; elle impose aussi un rapport différent aux usagers, qui peuvent se trouver à raisonner plus comme des ressortissants que comme de simples usagers ; il en ira certainement de même avec les entreprises et autres acteurs économiques.

 

D'autre part, dans une structure à lien territorial, surtout si celui-ci a une dimension rurale, les prestations ne peuvent être limitées à un site. Cette territorialité implique également qu'une cité des métiers en région envisage ses actions sur un large périmètre, sans doute au moins celui d'un département. Ceci nécessite des démultiplications de services, jouant la proximité avec les communes environnantes, qui doivent être pensées en amont du projet.

 

 

Quel réseau, quelle structuration ?

 

Cet essaimage de la cité des métiers pose la question de la place de la CSI dans le réseau des lieux qu'elle inspire. Les gammes de produits dérivés sont déjà identifiées, en particulier télévision classique, téléconférences et réseau télématique ; elles nous permettront de constituer des pôles de compétences, de services et d'évènements en réel et en ligne communiquant physiquement et électroniquement. Signalons par exemple dans cet esprit l'opération nationale de soutien à la création d'activité mise en place avec de nombreux acteurs du développement économique local et le magazine Rebondir intitulée "Les compagnons de l'initiative".

 

Il y a donc fort à parier que les années qui viennent verront le positionnement de la CSI et des autres centres culturels scientifiques et techniques comme lieux de médiation des évolutions du travail et de la vie professionnelle. Ils pourront être appelés à assurer le lien entre les observatoires de l'emploi, les médias et le grand public.

 

Ce développement et cette prise en charge d'un des enjeux essentiels de la culture technique devront se conduire en réseau. Celui-ci hybridera les acteurs culturels et ceux de l'orientation, de l'insertion et de l'évolution professionnelle.

 

Un des éléments de ce réseau sera celui constitué par les lieux inspirés de la cité des métiers. La forme de ce sous-réseau, l'organisation de son système de production et la nature de ses lignes de communication commencent à se dessiner et sont en cours de formalisation par une charte et un label. Son pilotage pourrait être assuré par un groupement d'intérêt des partenaires de la cité des métiers qui se sont réunis autour de sa fonction sociale et qui en souhaitent le développement sur tout le territoire national, voire européen.

 

 

 

Vivement d'autres passages à l'acte !

 

 

En parallèle avec la vocation ludique, touristique culturelle et éducative de l'établissement, la période 1990-1995 a vu naître à la CSI une vocation complémentaire, de nature socio-économique, témoignant d'une évolution des préoccupations des citoyens et des élus. Elle consiste à aider chacun à se projeter dans l'avenir, en particulier en terme d'activités et de travail. La CSI s'est trouvée doublement légitimée pour y répondre ; d'une part, parce que la demande sociale et les enjeux connexes sont incontournables, d'autre part parce que cette question de l'anticipation professionnelle est, par essence, indissolublement liée à celle du progrès scientifique, technique et industriel.

 

Il n'est d'ailleurs plus mis en cause que le développement de l'offre culturelle scientifique, technique et industrielle vise en particulier une meilleure insertion et un meilleur pilotage de carrière par le plus large public. Du point de départ particulier que constitue la CSI, avec les partenaires concernés directement par ces objectifs, nous avons identifié des axes d'actions et avons commencé à les mettre en oeuvre. Il en résulte ces actions qui hybrident une logique culturelle et une logique utilitaire et qui nous apparaissent aujourd'hui à la fois très riches d'enseignement et très perfectibles. Au vu des enjeux, notre espoir est que ce type d'actions ou d'équipement se développent rapidement dans d'autres lieux et contextes, afin que nous puissons comparer expériences et résultats et progresser ensemble.

 

 

 



[1] : se former à La Villette, Elisabeth Caillet, Coll. Les études n°4, EPPV, Paris, 1984

[2] : en particulier dans le cadre du programme Formations Ouvertes et Ressources Educatives ; voir par exemple A propos de multualisation et de transfert liés aux formations ouvertes, Olivier Las Vergnas, Etudes et Expérimentation en Formation Continue, Paris, n°16.

[3] : le médiateur scientifique, technique et industriel, E. Caillet, O. Las Vergnas, C. Prokhoroff, Bulletin des Bibliothèque de France, 1987 ; voir aussi la communication scientifique a-t-elle ses spécificités, O. Las Vergnas, Humanisme et Entreprise, 1992

[4] : voir à ce sujet les plaquettes sur les actions Nouvelles Qualifications, Jeunes et Technologies, ADEP édition, Paris

[5] : culture scientifique, technique et industrielle médiation et formation, Numéro spécial Education Permanente n°82, Paris, 1986

[6] : la cité des métiers est co-animée par des équipes de l'AFPA, l'ANPE, de la Boutique de Gestion de Paris, du CESI, du réseau des CIBC, du CIO-Médiacom, du CNED et des DAFCO/GRETA, avec la collaboration de l'ANCE, du Centre Inffo, de la CCIP et la collaboration du Ministère du Travail.

[7] : Comment utiliser la cité des sciences et de l'industrie, O. Las Vergnas, revue POUR, Paris 1992

[8] : Les deux paragraphes qui suivent sont extraits de la vie d'une chimère, trois ans de cité des métiers à La Villette, O. Las Vergnas, C. Prokhoroff, M. Avrain, bulletin d'information de l'ABF, Paris, 1996

[9] : le rôle de la cité des métiers évalué par les usagers, S. Thievan, association IRIS, document interne, cité des sciences et de l'industrie, 1995