La formation tout au long de la vie,
entre maturité technique, paradoxe socio-économique et balbutiement culturel

 

Dr Olivier LAS VERGNAS,

Directeur de la Cité des métiers, Cité des sciences et de l'industrie de Paris-La Villette,
Secrétaire général du Réseau international des Cités des métiers
http://www.reseaucitesdesmetiers.org

 

pour l'Internationales Jahrbuch 2007 der Erwachsenenbildung

Édité par l’université de Köln,

ce texte sera publié traduit en allemand.

 

Version finale du 17 septembre 2006

 

 

Résumé : la formation tout au long de la vie invention humaniste et pragmatique est en train d'arriver à maturité technique. Mais, sur le plan socio-économique, la situation est surtout paradoxale : c'est toujours principalement le niveau de formation initiale qui détermine le niveau social et de plus la formation continue va toujours aux plus qualifiés. Et si la généralisation de la formation tout au long de la vie sous entendait une révolution socioculturelle qui n’a pas encore eu lieu ? Et si c'était la représentation de la formation et des actes formatifs qu'il fallait changer en agissant sur la notion de diplôme, sur le clivage des temps ou sur l'idée d'orientation tout au long de la vie ?

Olivier Las Vergnas est astrophysicien et spécialiste des systèmes de formation professionnelle. Il a piloté la création en 1993 de la Cité des métiers, un espace d’information et de conseils ouvert à tous au sein de la Cité des sciences et de l’industrie de La Villette à Paris. Il dirige cette structure où travaillent ensemble 14 organisations depuis son origine et est aussi Secrétaire général du réseau international des Cités des métiers, créé à partir de l’exemple Parisien. Il est également impliqué dans des associations qui se préoccupent du partage des savoirs scientifiques et techniques en France.

1.   La formation tout au long de la vie, invention humaniste et pragmatique

 

Avec le sommet de Lisbonne et le développement de l’Internet à haut débit, notre Europe s’affirme le territoire de l'économie de la connaissance et les discours sur l’avènement de la formation tout au long de la vie  (FTLV) pour tous se généralisent. Ces déclarations se fondent en même temps sur une ambition humaniste et sur une nécessité économique très pragmatique. L’ambition est celle de la promotion sociale, déjà au cœur de l’ « Éducation permanente » que certains font remonter au Français Condorcet. La nécessité économique est celle d’une double adaptation : permettre à chacun d’utiliser les multiples innovations technoscientifiques qui surgissent dans le quotidien et permettre aux entreprises qui recherchent continuellement une flexibilité pour augmenter leur productivité de bénéficier de travailleurs toujours performant.

 

L’accélération des innovations a toujours entraîné l’évolution des systèmes d’éducation. Ainsi en France, l’instruction obligatoire s'est imposée au milieu du dix-neuvième siècle lorsqu’il est devenu évident que l’imprégnation socioculturelle « spontanée » ne suffisait plus à assimiler les premiers outils de l'industrialisation. Et c'est aussi face à un besoin croissant de technicité dû entre autres à l’automatisation de la production, que l'on a lui dû greffer une obligation de formation continue avec la loi Delors de 1971. Notre époque actuelle, quant à elle, se caractérise par le franchissement d’un nouveau seuil : les conséquences des innovations pénètrent dans nos vies à des rythmes bien plus rapides que celui du renouvellement des générations et la transmission des savoirs ne s'opère plus par imprégnation scolaire et familiale. Nos environnements se remplissent, année après année, d’objets qui ne sont pas spontanément maîtrisables. Car ces objets, gérant des processus de plus en plus abstraits, deviennent de plus en plus opaques. Et les « leçons de choses » de l’école ­ ou un stage de temps en temps ­ ne peuvent permettre d’en acquérir la maîtrise, même si elles le prétendent. C’est ainsi que la nécessité d’adaptation aux avancées scientifiques et techniques s'impose donc aujourd’hui « tout au long de la vie » [1].  

 

La volonté d’accroître partout la rentabilité économique constitue une seconde motivation au développement de la FTLV : qu’il s’agisse de travailler en flux tendus, de restructurer, de délocaliser ou de suivre les injonctions des progiciels d’optimisation de la production, il semble de plus en plus évident aux entrepreneurs et aux professionnels des ressources humaines qu'une plus grande flexibilité assurera une plus grande productivité. Cela dit, les différents acteurs du dialogue social dans l'entreprise portent des regards divergents sur la flexibilité : certains voyant derrière cette souplesse non pas une capacité à rebondir, changer d’orientation et oser des expériences mais une forme d’instrumentalisation et une polyvalence correspondant à un désir de réduction des effectifs.

 

 

2.   L’inertie du e-learning comme analyseur de la FTLV

 

Mais, si la FTLV apparaît bien consensuellement comme un objectif incontournable à la fois dans une vision humaniste et pour des raisons de rentabilité économique, qu’en est-il aujourd’hui de sa mise en œuvre sur le terrain ?  Qui d’entre nous se forme tout au long de sa vie ? Selon la seule enquête massive disponible en France “ formation continue 2000 ” de l’Insee[2] 71 % des personnes de moins de 65 ans sortis du système scolaire n’avaient participé à aucune formation durant l’année écoulée. Et  sur les 71% de personnes n’ayant bénéficié d’aucune formation dans l’année, les trois quarts déclarent qu’elles n’ont aucun besoin ou envie de formation non satisfait. A partir de cette même enquête, la revue Sciences Humaines, dans son n° hors série[3] sur la formation relève aussi que sur 65% de personnes n’ayant reçu aucune formation sur les deux dernières années, plus de 37% disent ne pas en voir l’utilité. Certes 34 autres pourcents reconnaissent qu’ils auraient bien voulu, mais qu’on “ ne leur a rien proposé ”. Et de fait on observe que la formation touche toujours ceux qui sont déjà les plus qualifiés et « la formation continue apparaît toujours comme un instrument qui amplifie les écarts de qualification »[4].  Est-ce à dire que FTLV pour tous n’est qu’un discours d’intention ? Comme premier analyseur de cette question, nous nous proposons de  regarder comment la généralisation de l’usage de l’informatique impacte aujourd’hui cette question du développement des compétences : les technologies de la connaissances ont-elles pu être mises au service de plus de formation pour tous ?

Le e-learning, toujours une affaire de pionniers

Le e-learning apparaît encore comme une affaire de pionniers, dont la mis en œuvre présente de fortes disparités: on observe des situations allant d’un engagement très militant jusqu’à une réserve prudente voire dubitative. Pour illustrer ces incohérences, regardons l’état de son développement selon trois angles particuliers : son utilisation dans l’enseignement supérieur, ses rapports au knowledge management dans l’entreprise et enfin son influence sur les pratiques autodidactes.

 

De plus en de plus cours universitaires sont numérisés et les campus numériques et les cartables électroniques comment à se répandre. Cependant, ils sont loin d’être devenue réalité de masse. On observe des établissements ou des cursus pionniers qui s’industrialisent en la matière, mais aucune université n’impose encore à tous ses enseignants de mettre leurs cours ou exercices en ligne[5]. Vu les problèmes de financement de l’équipement des étudiants (et même des enseignants) en ordinateurs dans des médiathèques et les cités U, il ne pourra pas de sitôt être rendu obligatoire à chaque enseignant et étudiant d’utiliser des serveurs de cours, sauf pour certains cursus sélectifs.

 

Dans les entreprises, le knowledge management  n’accompagne que marginalement un développement toujours lent des intranets de formation et autres systèmes de e-learning. Au cas par cas, les entreprises investissent progressivement dans des intranets, des plates-formes de e-formation ou des systèmes d’archivage. On aurait pu croire à la fusion de tous ces systèmes au profit d’une logique plus globale, s’approchant de l’idée d’“ entreprises apprenantes ”. Mais en fait, ces stratégies sont mues par des volontés aussi différentes que l’archivage documentaire, la modernisation d’un journal de communication interne ou -a contrario- de distribution de savoir-faire en ligne. Aussi, plutôt que de permettre un management « par » les connaissances, ces politiques se révèlent n’être souvent que du “ management « des » connaissances  elles-mêmes, sans grande plus value pour les personnels. Le lien avec des stratégies de gestion prévisionnelle de compétences ne semble donc pas évident à leurs responsables, souvent éloignés des logiques des DRH et nous laisse perplexe quant aux possibilités de généraliser des outils intégrés de FTLV[6].

 

On aurait pu s’attendre à ce que les opportunités apportées par le e-learning bouleversent les pratiques autodidactes.  Or, le rêve d’un cyber réseau d’échange de savoirs en reste au stade de quelques forums et listes de diffusions pointus, difficiles à identifier et à comprendre où chattent entre eux les fanatiques de telles ou telles pratiques pointues[7]). Certes, l’encyclopédie collaborative Wikpédia s’installe progressivement et de plus en plus de personnes s’expriment sur des blogs, mais on est loin d’avoir donné naissance à une réalisation de masse visible en la matière.  En parallèle, les rayons dédiés aux outils d’auto formation “ personnelle ” dans les librairies ne proposent toujours que quelques dizaines de titres répartis entre méthodes de langues, encyclopédies et visites virtuelles de musées, outils de soutien scolaire proches[8] des devoirs de vacances et quelques didacticiels pointus de « vie pratique » (logiciels informatiques bien sûr, architecture intérieure, code de la route, dactylographie ou QCM divers).

Maturité technologique mais pas de généralisation

Ces trois champs illustrent des situations similaires au regard du e-learning. Son développement permet, au cas par cas, une re-ingénierie de la gestion des apprentissages et du management des compétences. De plus, les conditions de réussite ont été souvent formalisées, témoignant d’un niveau certain de maturité technique. Les travaux sur la qualité des e-formations indiquent que l’on se préoccupe de plus en plus d’en évaluer et suivre la pertinence pédagogique. Pour autant, dès que l’on cherche à en identifier un impact social macroscopique que le e-learning en est plutôt au state du balbutiement qu’à celui de la généralisation. La question de savoir pourquoi les technologies éducatives ne sont toujours pas massivement mises en œuvre est  loin d’être nouvelle : elle est récurrente depuis l’invention de l’enseignement assisté par ordinateur (EAO) voici 20 ans. On citait à l’époque comme premier frein la faible accessibilité des outils informatiques et cela à la fois en terme de coûts et de faible distribution des équipements ainsi qu’en terme de pré-requis pour leur usage. Ces freins seraient-ils toujours d’actualité ?

 

En la matière, la dernière décennie a été marquée par une démocratisation de l’informatique, une meilleure ergonomie des outils et une standardisation des codes et signes. Cela, dit la “ fracture numérique ” n’a pas disparu. Voici encore une décennie, on considérait que l’informatique était réservée à la caste des informaticiens ou à de rares chimères à la double compétence.  Aujourd’hui, l’informatique “ individuelle ” est –théoriquement- à la portée de tous et l’on ne peut que s’en prendre à soi-même si l’on y est allergique, c’est à dire inadapté à son temps. Au regard bienveillant de la norme sociale, au début suspicieuse de l’obsession d’informaticiens surdoués, s’est substitué un coup d’œil culpabilisant pour ceux qui ne savent pas cueillir les fruits du progrès. On sera ainsi passé de quelques inclus à quelques exclus. Mais l’accessibilité de l’informatique ne peut plus être considérée comme le premier frein au développement du e-learning[9].

 

A l’époque de l’EAO  le deuxième frein concernait la pertinence de ces outils pour l’acquisition des savoir être et des apprentissages comportementaux. Derrière cette interrogation, le débat portait plus généralement sur la question de l’isolement, voire de la solitude de l’e-apprenant. Qu’allaient devenir le travail de groupe, la co-éducation, l’entraînement de la situation de formation, la mixité et les échanges dans les formations? Personne ne croit plus aujourd’hui à un dispositif de formation qui soit 100% à base de technologies : l’heure est aux formations “ ouvertes ” ou au “ blended ” learning. Cette expression nouvelle désigne des “ formations mélangées ” ou plus exactement mélangeant un savant dosage de face à face et de formation à distance. Cela dit, là encore, tout n’est bien sûr pas complètement résolu par quelques regroupement d’apprenants, forums et autres télé-tutorats : et il reste vrai que l’abus d’un e-learning individuel et isolé risquerait de nous habituer à nous mouvoir dans un monde de communication surtout diachronique.

 

 

3.   La FTLV : Maturité technique et pédagogique potentielle

On peut ainsi considérer que ce développement des technologies éducatives a permis à l’ensemble du secteur de la formation continue d’acquérir une certaine maturité technique et pédagogique sur deux registres complémentaires. Puisque la rentabilité des apprentissages y est cruciale, le bourrage de crâne ne peut être l’objectif central. Du côté de ceux qui produisent, on constate une double évolution : d'une part la clarification des rôles entre détenteur du savoir et médiateur, due, entre autres, à la séparation des fonctions entre tuteur et concepteur de ressources et de contenus ; d’autre part, l’institution de formation, qui ne peut plus être regardée comme seule détentrice du savoir puisque l’Internet bien employé permet de consulter une grande partie des connaissances utiles. Symétriquement du côté des besoins de formation, les demandes formulées intègrent de plus en plus de demandes méthodologiques ou comportementales, plaçant les savoir faire et les savoir être en prioritaires par rapport aux classiques « connaissances ». Sans doute par ce qu’elle s’adresse à des adultes et qu’elle est obligée de faire la preuve de sa rentabilité, la FTLV s’appuie de plus en plus sur les concepts de construction des savoirs, d’apprenance[10] : autant d’évolutions qui relativisent le rapport de pouvoir traditionnel entre ceux qui savent et ceux qui se forment.

Nouvelle « portabilité » du savoir, nouvelles marges de manoeuvre

Le savoir lui-même change de nature et devient bien plus appropriable, plus « portable » d’un apprenant à l’autre, d’une situation à une autre : les fonctions évolués des traitements de textes et d’hypertextes montrent que les documents peuvent devenir à la fois hiérarchisés, actifs et traçables, et que l’ordinateur peut rendre formalisables et transportables des procédures abstraites. En ce sens, l’informatique peut fournir à chacun l’envie et les moyens de sculpter, valider puis multiplier et échanger ses savoirs. D’ailleurs, comme l’intégration progressive d’Internet dans la vie quotidienne modifie le rapport à l’information et à la connaissance, il se peut que la transformation majeure qu’Internet apporte à la FTLV soit de redessiner les frontières entre recherche d’information et formation, entre utilisation, mémorisation et modélisation. Peut-être dira-t-on dans quelques temps que la pratique généralisée d’Internet a induit une nouvelle proximité et critique aux savoirs et a permis de structurer une nouvelle approche « simultanée » de l’éducation informelle tout au long de la vie. Ainsi, à la place d’une vision séquentielle où, entre les situations de travail “ productif ” s’intercalent des moments de formation, peut-être se développera t-il une e-formation intégrée correspondant à une nouvelle conception d’un “ travail apprenant ”[11]. En tous cas, au stage classique avec son unité de temps, de lieu et de groupe, se sont d’ores et déjà progressivement substituées de multiples formes d'atelier de pédagogie personnalisée, de système à entrée sortie permanente, de point d'accès à la téléformation. L’enseignant devient facilitateur d’un processus qui se déroulera dans des temps et des lieux éclatés et choisis, et donc négociés pour leur meilleure rentabilité, sous réserve que l’on sache en fonction de quels intérêts les définir.

Mais toujours pas de machines à apprendre

Ainsi le "progrès technique" a bouleversé le rapport aux savoirs, même si ce bouleversement n'a pas vraiment eu lieu ou on l'attendait : ce ne sont pas les processus didactiques qui ont principalement bénéficié des outils informatiques mais bien plus l'accessibilité et le partage des savoirs qui se sont universalisés -au moins pour certains pays et certaines catégories sociales- : Internet et les moteurs de recherche ont révolutionné l'accès aux savoirs et aux documents, alors qu'aucune "machine à apprendre" révolutionnaire n'a vu le jour. Dans ce domaine, l'intelligence des machines est surtout utilisée à présenter des illustrations, à tourner des pages, à trier des index ou relier des notes bibliographiques... mais rarement au service d'une expertise didactique. Cette faible utilisation réellement pédagogique de l'intelligence des machines montre que cette maturité a ses limites. Ce n'est d'ailleurs pas le seul bémol à apporter : entreprise apprenante, intranet toutes ces pratiques existent, mais sont loin d'être généralisées.

 

 

4.   La FTLV : Paradoxe socio-économique

Maturité technique et accoutumance à l’informatique ont donc permis d’augmenter les champs d’application et les clients potentiels du e-learning : la situation a largement évolué au regard de ces éléments qui constituaient, ces dernières années, des freins à son développement. Or, son impact social demeure faible : peu de nos concitoyens en bénéficient aujourd’hui. Pourquoi ? Si le e-learning est si peu répandu, c’est que cette première levée d’obstacles[12] n’a pas suffi à sa généralisation.  Et faute de trouver des “ freins ”, peut-être faut-il examiner cette question d’inertie à l’inverse, en terme de « moteurs ». Il ne suffit pas en effet qu’une évolution sociale  soit techniquement possible et n’entraîne pas trop de résistance pour qu’elle se réalise immédiatement. Encore faut-il qu’elle soit propulsée.

Un problème de moteurs plus qu’une affaire de freins

Voilà une question qui nous conduit dans le champ socio-économique : quels sont les moteurs de la e-formation ? Les mêmes que ceux de la FTLV en général - à savoir la double volonté de la promotion sociale et de l’accroissement de la productivité-  plus un troisième caractéristique des nouveaux marchés pouvant être générés par les nouvelles technologies : l’opportunité pour des investisseurs de dégager des profits grâce à un nouveau marché, que l’on pourrait penser comparable à celui de Meetic™, d’amazone™, d’e-Bay ™ ou encore de Monster™. Essayons d’abord de comprendre pourquoi ce troisième moteur ne suffit pas : la production de système de e-formation aurait  pu être aussi rentable que le développement de services de rencontres, de librairie ou d’enchères par téléphone. Or, cela ne se concrétise aujourd’hui que par quelques DVD ou serveurs de soutien scolaire et  quelques plates-formes Internet pour des entreprise ou d’université. Sans doute est ce dû aux nouveaux délais et échelles de retour sur investissement qui caractérisent ce nouveau secteur, le rendant difficile à investir[13] par les organismes classiques de formation  ne disposant pas de capitaux suffisants.

 

Ainsi, la logique du profit lié aux  nouveaux e-produits ne suffit pas à la généralisation du e-learning : ce dernier ne semble pas être un produit de grande consommation dont des spécialistes du marketing pourrait faire naître le besoin -et donc le marché- à coup de campagnes publicitaires. Certes, on aurait pu penser qu’il suffirait que les spécialistes des ressources humaines, les employeurs, autres commanditaires ou assureurs sociaux y investissent pour rendre le marché solvable. Mais, dès que l’on dépasse quelques heures de formation - surtout dans le cas de la e-formation où l’apprenant se retrouve souvent livré à lui-même – la motivation et la détermination de l’individu sont déterminantes. Pour fonctionner comme gisement de profits importants, le e-learning a besoin de “ consommateurs ” militants : ceux-ci doivent en ressentir l’intérêt et la plus value pour eux-mêmes. Sa rentabilité économique est tributaire de l’investissement personnel que chacun peut y consacrer. L’interrogation sur la crédibilité d’un “ moteur économique ” pour la e-formation renvoie donc à celle sur la crédibilité du “ moteur social ” de toute la FTLV. Autrement dit, comme on n’observe pas de grand développement du e-learning, c’est que quelque chose l’inhibe qui n’est ni technique ni pédagogique. Notre interprétation est que c’est la volonté de généralisation de la FTLV qui n’est pas suffisamment forte pour installer massivement le e-learning.

Socialement consensuel certes, mais aussi socialement velléitaire

Qu’en est-il alors des deux moteurs devant logiquement entraîner le développement conjoint de l’e-formation mais aussi de la FTLV: le moteur « humaniste » d’une part et le moteur lié au développement de la productivité économique d’autre part ? Pour comprendre pourquoi ces deux moteurs ne sont finalement pas plus efficaces que celui du profit, essayons de préciser la crédibilité des discours qui les soutendent.

L’éducation permanente en panne d’ascenseur social

En réalité, il n’est pas évident qu’au-delà des bonnes intentions, les citoyens reconnaissent dans la FTLV un enjeu essentiel pour leur avenir personnel, devant relever de leur propre décision. Peut-être un grand nombre d’entre eux jugent—ils même l’amélioration de leur “employabilité ” comme relevant des pouvoirs publics et non de leur propre responsabilité ni de leur co-investissement potentiel pour le financer. Certains[14] pensent aujourd’hui qu’en France la loi Delors de 1971 instituant l’obligation de formation professionnelle a, a contrario, conduit à concevoir “ la formation professionnelle continue comme un dispositif industriel ou néo-industriel qui laisse peu de place à l’individu lui-même ”[15]. Si au moins la FTLV assurait une promotion sociale garantie… mais rien n’est moins sûr : l’éducation des adultes n’agit que très marginalement comme outil de rééquilibrage des inégalités sociales et la priorité est peut-être plus à la mise en place de parcours individuels, privilégiant l’employabilité[16]. Et l’individu, par voie de conséquence, ne doit sans doute pas bien identifier pourquoi il sacrifierait une part de son budget privé pour co-investir - dans un ordinateur pour se former professionnellement ou dans du temps en plus de ses 35 heures, voire même dans des frais d’inscription à telle ou telle formation - pour acquérir des compétences sans doute peu monnayables : dans beaucoup d’entreprise, on prend en charge VAE ou formation, mais rarement le changement d’emploi, la promotion ou l’évolution de salaire correspondant au diplôme ou aux compétences acquises.

 

Réciproquement, les employeurs ont mal a envisager qu’un investissement à long terme relève de leur responsabilité. Adapter un salarié à son poste de travail est bien sûr une nécessité. Mais, dans un temps de précarisation des contrats de travail, où l’on peut changer souvent d’employeur et de salarié, engager des investissements de qualification à long terme n’est pas si évident. D’où le développement de systèmes d’assurance formation à plus long terme, comme en France le congé individuel de formation (CIF) financé par des fonds inter entreprises ou le droit individuel à la formation (DIF) associant le salarié lui-même comme co-investisseur et cumulable sur 6 ans. Malgré cela, « la formation continue apparaît toujours comme un instrument qui amplifie les écarts de qualification »[17].  On peut d'ailleurs penser que c'est par qu'elle se trouve résulter d'une tension entre l'intérêt individuel et l'intérêt économique -dont les caractéristiques sont à bien des égards contradictoires- que la FTLV est actuellement ainsi écartelée.

Le co-investissement peut-il naître d’un acte de foi ?

Ces constats sont confirmés par les quelques données disponibles sur l’investissement personnel dans la FTLV. Ainsi, toujours selon l’enquête “ formation continue 2000 ” de l’Insee[18] sur les 29% de personnes de moins de 65 ans sortis du système scolaire ayant bénéficié de formation dans l’année, seulement un tiers étaient dues à l’initiative de l’individu lui-même, 21% d’entre elles entièrement sur le temps libre des personnes et 13% financées par le formé lui-même.

 

 

5.   En termes culturels, la FTLV n’en n’est qu’aux premiers balbutiements

 

Dans des lieux d’information et de conseil (comme les Cités des métiers, voir encadré), les citoyens en demande volontaire de formation sont donc fort logiquement loin d’être la majorité. Ceux que nous rencontrons semblent surtout poussés par la nécessité. Il semble que seuls les actes formatifs à haute plus value personnelle ou sociale (permis de conduire par exemple) ou personnelle (liées à des pratiques sportives, socio-éducatives ou amateurs) et quelques perfectionnements en langue étrangères sont auto prescrits bien que “ non remboursés ”. Quant aux personnes qui s’investissent lourdement en terme de formation 100% hors temps de travail, elles ne semblent pas être légion : un tel choix individuel apparaît surtout être l’apanage de quelques stakhanovistes, boulimiques du savoir, et –a un degré moindre- de personnes en situation d’inquiétude pour leur avenir en mouvement, en projet ou éventuellement en besoin direct de compétences dans leur vie quotidienne.

Encadré 1: Qu’est ce qu’une Cité des métiers ?

 Les Cités des métiers (CDM) sont des espaces intégrés de conseils et de ressources au service de tous les publics (jeunes scolarisés ou non et adultes) en recherche de repères, d’orientation et d’information sur les métiers et la vie professionnelle. Elles ont pour mission d’aiguiller les usagers vers tous les moyens d’élaboration et de réalisation d’objectifs professionnels en offrant trois modalités d’usage : des entretiens sans rendez-vous, une documentation imprimée et multimédia en libre service et des ateliers, forums et autres journées d’information, Les CDM sont ouvertes à tous les publics quels que soit le statut, l’âge, le niveau d’étude ou de qualification, et sont d’accès libre et gratuit,

Ce concept est né voici 13 ans, avec la création dans la Cité des sciences et de l’industrie (CSI) de La Villette de la première plate-forme proposant ce niveau d'intégration de services, de publics et de partenaires[19]. En 1999, soit 6 ans après, ouvraient à Belfort, en Côtes d’Armor et à Nîmes trois équipements inspirés de cette expérience et labellisés par la CSI, suivis de peu par ceux de Milan et Gènes. Depuis, le réseau des CDM se développe à partir d’un cahier des charges (voir http://www.reseaucitesdesmetiers.org ) dans des  territoires diversifiés (métropoles comme Paris ou Barcelone, ou territoires plus ruraux comme l'Orne ou les Côtes d'Armor) et dans des contextes contrastés (pays très dotés en structures d'insertion et d'orientation comme la France ou vide de tels outils, comme le centre du Brésil). Il y a actuellement des CDM ouvertes dans 4 pays (France, Italie, Espagne, Brésil) et des projets labellisés dans deux autres (République de Maurice et Portugal). Une préfiguration de Cité des métiers a également fonctionnée en Autriche dans le cadre de l'initiative Equal et des projets sont actuellement envisagés au Canada (Colombie Britannique), au Vietnam et au Chili..

Le label CDM, commun à toutes ces plates-formes, leur impose d'être un lieu ouvert en accès libre et gratuit à tous les publics, (jeunes scolarisés ou non, adultes actifs ou non), multi-partenaires et permettant toutes les modalités de consultation et d'information, à savoir des entretiens sans rendez-vous avec des conseillers, une documentation imprimée et en ligne ainsi qu’une offre d’ateliers, de forums et de journées thématiques. Elles doivent traiter tous les aspects de la vie professionnelle, et tous les secteurs et être organisées sous forme de pôles de conseils centrés sur les questions des usagers.

la cité des métiers à Paris

 

La FTLV est absente des pratiques sociales visibles

Pour expliquer cette situation, nous formulons l’hypothèse que la représentation culturelle dominante de la FTLV est telle qu’elle est inapte à créer massivement envie et demande. Plus précisément, nous pensons que trois obstacles culturels se cumulent qui  inhibent la mise en place, dans nos pays développés, d’une société de la FTLV.

 

De ces trois obstacles cumulés résulte l’impossibilité d’identifier pour la FTLV une pratique lisible, un temps identifié, des bénéfices clairs et un univers de référence ; ceci fait qu’elle ne se voit en rien conférer une existence socialement établie ou un rite auquel on pourrait s’intégrer. En résulte-t-il une situation bloquée qui condamne définitivement l’idée d’une société fondée sur la FTLV ? En fait, à chacun de ces obstacles culturels correspond un levier à actionner pour en favoriser le développement.

Premier obstacle / premier levier :
dépasser le clivage entre activité subie et activité choisie

Qu’on le veuille ou non, le souvenir de l’école fait classer, pour beaucoup d’entre nous, la formation dans le champ de l’effort et de la pénibilité A contrario, les lieux à vocation culturelle (musées, centres d’expositions, cyber-espaces) proposent des situations « agréables » d’appropriation de savoirs Or, force est de constater que ces lieux ne génèrent que très exceptionnellement[20], dans le cadre des temps choisis, des pratiques innovantes de formation des adultes repérées comme en rapport avec la FTLV ou la vie professionnelle[21]. Cette question nous confronte à la séparation entre « loisir » et « utilité » : parler d’un usage formatif d’un lieu culturel relevant du temps choisi semble constituer un transgression de ce clivage, le signifiant "éducation" étant en général associé aux temps subis et "pratiques culturelles" aux temps choisis.

 

Nous formulons ici l’hypothèse que les publics ne prennent pas conscience que l'on pourrait qualifier de FTLV leurs activités dans de tels lieux culturels, car, dans la quasi totalité des cas, ils fréquentent musées et lieux équivalents dans le cadre des loisirs, qu'il n'est pas coutume d'associer à la formation continue rattachée dans les représentations dominantes à la sphère du travail.

 

Encadré 2 : d’où vient le clivage des temps travail / loisirs ?

Historiquement, ce clivage entre ces deux amalgames s'est construit en parallèle avec l’avènement des loisirs lié à la réduction du temps de travail (RTT). Dans son ouvrage « le sacre des trente cinq heures », Jean Viard souligne que si le temps de travail sur une vie était encore de 120 000 heures en 1948, il est tombé en France à 63000 heures avec les 35 heures. Il a ainsi baissé de 45% à aujourd’hui 11% sur la durée d’une vie. « De plus en plus, l’essentiel des relations sociales et personnelles se développe hors du monde du travail. La vie sociale qui, hier encore, était dominée par les rythmes de travail, s’est progressivement structurée autour des rythmes de temps libre, de loisirs, de vacances »[22]. Certains militants convaincus de l’éducation populaire (Dumazedier, 1988) ont alors pensé que ce temps libre gagné,  allait pouvoir être mis au service de l’épanouissement personnel, en particulier par l’autoformation et donc l’acquisition de savoirs émancipateurs. Les dernières enquêtes françaises  (Maresca, 2004) sur l’utilisation des temps gagnés montrent a contrario «que l’accroissement du temps libre ne conduit pas à une réorganisation de la structure des loisirs mais plutôt à l’intensification de pratiques existantes pour ceux qui en ont les moyens financiers. […] Aujourd’hui, l’idée selon laquelle les heures ou les journées gagnées grâce à la RTT pourraient favoriser l’émergence d’un temps social spécifique – celui des activités, y compris de repos, choisies et pratiquées pour l’épanouissement personnel, par besoin de désaliénation, contre le professionnel et contre le domestique –, reste une utopie ».[23] Sur ce point le tableau ci-dessous, est édifiant.

 

% des salariés bénéficiaires de la RTT disant consacrer, grâce à elle, plus de temps à telle ou telle activité :

Vous reposer, dormir                                                                                                                               47% 

Vous occuper de votre famille, de vos enfants                                                                                   45 %

Bricoler, jardiner                                                                                                                                       41 %

Recevoir des amis, de la famille ou leur rendre visite                                                                         34 %

Aller dans les magasins, faire les courses                                                                                           33 %

Regarder la télévision                                                                                                                              31 %

Accomplir les tâches ménagères (cuisine, ménage, rangement, linge, ...)                                       27 %

Sortir au cinéma, au spectacle, au restaurant                                                                                      23 %

Pratiquer une activité sportive                                                                                                               20 %

Partir en voyage                                                                                                                                       16 %

Avoir des activités artistiques ou créatives (dessin, musique, écriture…)                                    11 %

Vous investir dans une association                                                                                                      10 %

Et rien sur la « formation » en tant que telle.

 

Source : CREDOC - Enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français » - juin 2002

Champ : Salariés bénéficiant de la RTT, soit 26 % de la population

 

Pour le comprendre, il faut faire le lien avec deux autres facteurs simultanés à la réduction du temps de travail  : l’entrée en vigueur de la loi sur la formation continue ainsi que l’évolution du marché des loisirs.  L’application de la loi obligeant les employeurs à cotiser pour la formation aurait eu pour effet  de faire la assimiler à une préoccupation ne concernant que le patronat. Fabienne Berton[24]  affirme ainsi que la loi française de 1971 «a rendu la formation continue entièrement dépendante du travail (ou de son absence, ce qui revient au même). Tout ce qui n'est pas rattaché à un statut professionnel ou au domaine du travail a ainsi été évacué de la définition de la formation. Cette conception a conduit à marginaliser ou à transformer des pratiques antérieures comme l'Éducation populaire […], les cours d'alphabétisation ou les cours municipaux24 qui ne reposaient pas sur les mêmes prémisses.» . Par ailleurs, de multiples auteurs ont mis en évidence la standardisation et la marchandisation des loisirs qui s’est opérée dans le même temps, comme par exemple Jacques Demeulier au congrès des CEMEA 2005, « Si les temps libérés peuvent être porteurs de valeurs positives, ils sont aussi porteurs d’inégalités. Ils sont un espace de marchandisation des loisirs, d’hyperconsommation, de formatage des pratiques et des esprits ».

 

Il en résulte que l’idée d’une FTLV héritée de l'éducation populaire qui s'inscrivait -a contrario- dans une logique intégrée d'émancipation globale des individus se fissure. Au temps du travail s’amalgame une formation continue « rentable et pénible » tandis que du côté des loisirs s'instaure un marché d'activités « épanouissantes » sur catalogue. Voilà donc le divorce : d’une part l'éducation permanente devenue formation professionnelle continue côté temps subi, tandis que d’autre part les congés payés ont été absorbés par le marketing et la société des loisirs, celle du temps dit choisi. Choisi, mais devenu marchandisé. L’autoformation, moteur historique de la promotion sociale individuelle s’efface alors derrière un tel processus ; les producteurs culturels n’ayant pas d’autre choix, face à l’impérieuse nécessité de l’audimat, que de se transformer en professionnels du marketing, favorisant les loisirs conformes aux calibres du délassement ou du divertissement[25].  

 

Cela dit, il serait réducteur d’affirmer que ce clivage des temps est l’unique cause de la non installation de pratiques de FTLV autodirigées sur le temps des loisirs dans des lieux culturels[26]. Ce qui est sûr, c’est qu’il obscurcit aujourd’hui le concept d’une FTLV intégrée en opposant donc ces deux amalgames (temps choisi = loisirs + inutilité professionnelle) d'un côté et (temps subi = travail + formation professionnelle) de l’autre part.  A contrario, il faut favoriser la compréhension de l’idée de « savoirs émancipateurs » qui transcendent cette coupure. Cela permettra de favoriser une meilleure appréciation de la FTLV et permettra de lutter d’une part contre l’image de pénibilité qui a tendance à être attachée à toute action formative lié au travail et d’autre part à celle de futilité qui pourrait être associée à toute action relevant des temps choisis.

Deuxième obstacle / deuxième levier
expliciter la révolution culturelle de la FTLV

La FTLV est surtout une révolution culturelle, mais qui ne s’est pas encore faite. Elle répond à de nouveaux besoins culturels qui s’affirmeront parce que la société a changé,  tant dans ses besoins de savoirs que dans la place qu’elle donne au travail, mais ces besoins ne sont pas encore patents : en attendant, la FTLV n’est qu’un agglomérat opaque d’éléments disparates qui nécessitent d’être rendu lisibles et visibles.

 

Encadré 3 : Pourquoi parler d’orientation tout au long de la vie ?

Nous vivons un changement de la place et du sens du travail et du métier qui modifient considérablement les bases mêmes de notre système culturel :. Jusqu’ici constituant essentiel de l’identité [7], le métier peut devenir aujourd’hui un « état temporaire d’occupation » ; le travail se dématérialise, se délocalise et s'étire dans le temps ; au contrat de travail semble pouvoir se substituer le contrat d'activité, qui achète le résultat plutôt que la force de travail ; quant à la rémunération, selon les plus utopiques, elle pourrait dans quelques décennies ne plus être la rétribution d'une « peine » mais devenir un revenu universel de subsistance. Autant d'évolutions qui laissent penser qu'en filigrane, c'est la place du travail comme valeur centrale de l'équilibre individuel et collectif qui est remise en cause.

 

De même, la disparition du système implicite d’« héritage professionnel » montre l’importance d’un travail d’orientation professionnelle pour tous. Dans les pays développés, les trajectoires de vie professionnelle ne se construisent plus que rarement par reproduction du modèle familial. Il y a encore quelques dizaines d'années, en France, le fils d’un cheminot travaillait souvent dans les chemins de fer ; les enfants ou au moins l'un d'entre eux reprenaient le petit commerce ou l'exploitation agricole familiale. Gazier fils de gazier, mineur fils de mineur… Certes, la valeur dominante étant la réussite professionnelle, on espérait, par la voie de la promotion sociale, faire mieux que les parents. Mais pour l’essentiel, l'itinéraire était tracé par le contexte, les ressources et le modèle familiaux. La part du choix était limitée et l'information sur la vie professionnelle procédait de l'imprégnation : les dispositifs de promotion sociale étaient peu nombreux, fondés sur le volontarisme et la persévérance, et relativement balisés ; on faisait sa vie dans la même entreprise, voire dans le même poste ; les métiers enfin étaient fortement différenciés, faciles à nommer, à connaître et, pour la plupart d'entre eux, à rencontrer, car souvent liés à des gestes, des outils, des machines, des modes de vie. Cette orientation prédéterminée de manière quasi héréditaire ne générait donc que peu de besoins d'information, d'écoute et de conseil au choix professionnel ou à l'élaboration de projets de vie. N'ayant alors que peu de nécessité sociale, cette notion de projet ou de trajectoire n'avait d'ailleurs que peu émergé. Voilà pourquoi les questions que pose aujourd’hui la FTLV sont aussi de nature culturelle. Ce que la FTLV fait progressivement apparaître, ce sont ces changements de représentations du travail, du métier, de l’éducation, voire, plus globalement, de l’identité et de l’investissement dans l’avenir : il s’agit désormais de penser non seulement en termes d'instruction initiale, mais aussi en termes de formation tout au long de sa vie, et par conséquent, de considérer, de gérer et de mettre à profit les multiples situations formatives, d’inventer et de faire évoluer un « projet professionnel ».

 

Si la disparition de l’imprégnation professionnelle génère à la fois ouverture et incertitudes, comment éviter qu’elle ne se traduise que par des inadéquations, des errances ou des déqualifications ? Comment donner à chacun l'envie et  les moyens d'être –dans la mesure du possible- l'auteur de sa vie professionnelle ? C’est en offrant à chacun plus de possibilités de profiter de cette marge de manœuvre, que ce champ de liberté potentielle pourra être mis au service du libre arbitre. Et c’est la condition sine qua non du succès des dispositifs fondamentaux de la FTLV, tels la validation des acquis, le bilan volontaire de compétences ou encore le congé ou droit individuel à la formation.  Cette nécessité d'une culture de l'orientation professionnelle à tout âge ne recouvre pas seulement la connaissance du monde du travail et des métiers, mais aussi l'éducation au choix et la connaissance de soi. Connaître les possibles, savoir choisir et connaître ses valeurs et ses limites, sont en effet trois compétences inséparables de toute orientation choisie, clés qui fondent l'autonomie de l'individu.

 

Or, il est facile de constater la carence en matière de lieux et de services ressources crédibles centrés sur le besoins des individus. Comme pour le e-learning, l’information et le conseil ouverts à tous appartiennent à quelques pionniers. Bien sûr de multiples autres lieux existent, mais dédiés à tel ou tel segment de public : ils sont a contrario chargés par la commande publique de la prescription pour tel public cible ou de la promotion de tel dispositif ou mesure et se retrouvent donc plutôt dans la logique d’entraîner, mais pas de déclencher l’envie[27].  Ainsi, faut-il se rendre à l’évidence, malgré les efforts des militants de l’éducation permanente et de la promotion sociale, la formation tout au long de la vie est encore une injonction prescrite, mais elle n’est pas principalement vécue comme à la disposition des individus pour leur permettre de diriger ou même d’infléchir par eux-mêmes leur avenir professionnel. Or, comme cela est signalé dans l’étude formation professionnelle Insee 2000 à propos des obstacles au départ en formation, “ l’existence de propositions et d’opportunités ou de droits jouent […] un rôle essentiel pour l’accès à la formation ”[28].

Troisième obstacle / troisième levier :
élargir la validation des acquis pour en faire un ascenseur social

Les diplômes –qui sont déterminants pour la position socio-économique  de chacun– s’acquièrent quand on est jeune. Après, les écarts ne se rattrapent plus jamais ! Voilà bien une représentation partagée par le plus grand nombre. Or, défendre la FTLV c’est aussi vouloir relativiser cette idée. Ainsi, certains pensent que l’invention et la généralisation de la validation des acquis de l’expérience (VAE) permettra de faire avancer les représentations en matière de FTLV.

 

Ainsi, dans son ouvrage consacré au e-learning, Sandra Bellier[29] affirme que si “ le e-learning est un moyen puissant de faire évoluer les comportements individuels vis-à-vis de la formation. (…) les systèmes d’évaluation et de reconnaissance des acquis deviennent indissociables du e-learning. Si je me forme individuellement, je dois toujours avoir accès aux moyens d’évaluer et de faire reconnaître mes progrès. Et cette reconnaissance doit en outre être socialement utile…. ”. Mais cela suffira-t-il à la croissance de la demande sociale de formation tout au long de la vie ? La possibilité de faire reconnaître ou de faire valider ses acquis existe dans la loi française depuis 1985 et a été étendue en 1992, sans multiplier massivement la demande d’autoformation. Rien ne prouve alors que l’élargissement et l’affichage général de la possibilité d’obtenir une validation sous forme d’un diplôme ou d’un certificat de compétence professionnelle (prévue depuis la loi de modernisation sociale de 2002 généralise encore la validation des acquis) fera réellement changer de manière significative la proportion d’individus prêts à co-investir dans le développement de leurs compétences.

 

 

Encadré 4 : qu’est ce que la VAE instituée dans la loi française ?

La validation des acquis de l’expérience (VAE) permet à toute personne engagée dans la vie active depuis au moins trois ans de faire reconnaître officiellement ses compétences professionnelles par l’obtention d’un titre, d’un diplôme à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification. La VAE a été mise en place par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002,

 

L’expérience doit en rapport avec le diplôme visé et peut être acquise au travers d’activités salariées, non salariées ou bénévoles. La totalité de ce diplôme peut ainsi être acquise, c’est-à-dire sans suivre de formation et sans passer d’examen. Si le jury de VAE ne peut accorder la totalité de la certification, les unités non obtenues peuvent être acquises par une nouvelle période d’expérience professionnelle ou par la formation. La VAE concerne tous les titres, les diplômes à finalité professionnelle et les certificats de qualification professionnelle. Tous les diplômes de l’enseignement supérieur sont concernés. Il faut y ajouter toute certification à finalité professionnelle, inscrite dans le nouveau Répertoire des qualifications professionnelles (RNCP).

 

Le dispositif de validation des acquis est payant.  Son coût est variable (quelques centaines d’euros en moyenne) selon les ministères et le diplôme postulé,.Une prise en charge financière peut être accordée à un salarié du secteur privé par un organisme collecteur agréé au titre du CIF, tant pour ce qui concerne la rémunération de son absence que pour couvrir les frais de validation à proprement parler. Un droit à un congé de VAE a été crée qui permet d’obtenir une autorisation d’absence de 24H pour se présenter devant le jury de validation et être éventuellement accompagnés dans la constitution de leur dossier de demande de validation. Les actions de validation des acquis entrent désormais dans le champ des actions de formation. Elles peuvent être imputées par les employeurs sur leur participation au financement de la formation professionnelle continue si la certification postulée figure au Répertoire des certifications professionnelles. Enfin, la VAE est un droit individuel, mais certains employeurs accompagnent leurs salariés dans cette démarche.

 

 

En examinant l’expérience de la VAE à la française on se rend compte des ambiguïtés qui restent à lever : D'un point de vue sémantique, VAE peut vouloir signifier deux évolutions :

·         étendre la notion de « diplôme » au-delà de formation initiale (c’est que qu’à faire la loi française de 2004, loi de principe » qui permet de relativiser des diplômes initiaux (toujours conçus comme de « difficiles étapes » à franchir, jalonnant un escalier de la réussite sociale de quelques marches (un cran par niveau de V à I) ou

·         a contrario offrir des possibilité de « petites marches » de validation/sécurisation par petites étapes des acquis en cours d'une vie « apprenante », où l’on progresserait mois après mois en progressant progressivement en compétences, les faisant reconnaître pour sécuriser, comme avec les dents d’un cliquet dans un treuil, sa situation professionnelle.

 

Et de fait, malgré tous les discours sur les entreprises apprenantes, la VAE française correspond au premier schéma et non au second[30] : son objectif est surtout de casser le monopole diplômant de la formation initiale et non de permettre la capitalisation de petits progrès individuels au quotidien ; alors que c’est plutôt là que se situe le besoin et l’envie des individus.

 

 

6.   La FTLV n’existera pas tant qu’elle restera culturellement invisible

 

Avec la e-formation, la FTLV retrouve les principaux ingrédients des rêves pédagogiques forgés par les grandes utopistes... Mais passer de cette utopie à une réelle généralisation ne se fera qu’avec une implication forte des citoyens eux-mêmes et des partenaires sociaux dans la FTLV. La première urgence est la négociation de règles claires de co-investissement et de contractualisation individuelle. Mais même avec de telles règles, les citoyens ne s’investiront que si un moteur crédible, celui de la promotion sociale, les motive. Cette opportunité de promotion sociale, il faut donc l’expliquer et la communiquer.

 

Pour ce faire, un triple levier culturel doit être actionné. Il s’agit de mettre clairement en évidence, pour tous, le rôle d’ascenseur social de la FTLV et sa nécessité, comme une des activités épanouissantes, occupant un espace émancipateur au-delà d’un clivage primaire entre efforts subis et divertissements choisis. Un tel travail doit aller de pair avec le développement de la culture de l’orientation tout au long de la vie. Pour atteindre un tel objectif, il faut d’une part multiplier les dispositifs d’incitation comme la validation des acquis par exemple –et ce au plus près des besoins- et d’autre part les dispositifs d’information et de conseil comme les cités des métiers.

 

La FTLV n’est aujourd’hui encore qu’un agglomérat polysémique : elle ne correspond ni à une place, ni à une plage sociale à occuper. Elle ne se reconnaît pas dans un rite ou un temps identifiée et elle reste marquée par la représentation de l’éducation scolaire traditionnelle : un rapport de force, de dressage, voire de soumission aux savoirs, plus qu’un rapport d’empowerment, d’émancipation. Militer pour la FTLV, c’est d’abord militer pour sa visibilité, son identification. C’est pourquoi des lieux comme les points d’accès au e-learning, les chaînes éducatives et des instruments comme la VAE, le DIF, les bilans de compétences doivent devenir plus simples, moins opaques et converger pour dessiner un paysage lisible. Dans cet esprit, des vitrines comme les Cité des métiers sont indispensables car sinon, la FTLV ne fera que répondre à une mission de formatage d’une force productive. Et non pas d’épanouissement des êtres.

 


 

Quelques éléments bibliographiques

 

BERTON Fabienne CORREIA Mario, LESPESSAILLES Corinne et MAILLEBOUIS Madeleine, Initiative individuelle et formation, Contributions de la recherche, état des pratiques et étude bibliographique, L’Harmattan, 2004

 

BERTON Fabienne, La demande individuelle de formation en cours de vie active et ses particularités institutionnelles françaises, CNAM, Cahier du Lasmas 01-1

http://lasmas.iresco.fr/cahiedoc/c011_Berton.pdf

 

CARRÉ, Philippe (dir.), MOISAN André (dir.).- La formation autodirigée,  L'Harmattan,

2002

 

CARRÉ Philippe, MOISAN André, POISSON Daniel, L'autoformation : psychopédagogie, ingénierie, sociologie, PUF, 1997

 

CARRE, Philippe, L’apprenance, vers un nouveau rapport au savoir, Dunod, 2005

 

CORBIN, Alain, L’avènement des loisirs, 1850 – 1960, Aubier, 1995

 

DREVET Danièle, LAS VERGNAS Olivier, PROKHOROFF Catherine, La culture scientifique et technique face aux fractures sociales : la cité des métiers à La Villette in Alliage n°29-30, Nice, 1996

 

DREVET Danièle et MONOD Ambroise. (coord.), Usager acteur… la Cité des métiers, in Actualité de la formation permanente, n° 158, 1999

 

DUMAZEDIER Joffre, Révolution culturelle du temps libre, Méridiens Klincksieck, 1988

 

DUMAZEDIER Joffre, Penser l'autoformation : société d'aujourd'hui et pratiques d'autoformation, Chronique sociale, 2002,

 

LABRUYERE Chantal, La VAE quels candidats pour quels diplômes ?, Bref Cereq, n°230, Marseille, mai 2006  http://www.cereq.fr/pdf/b230.pdf#search=%22etude%20VAE%22

 

LAS VERGNAS Olivier, Des cités des métiers et de la santé à l’empowerment in Actes du Colloque international "Orientation passé, présent, avenir", L’orientation scolaire et professionnelle, N°hors série, vol 3, Desclaux Bernard et Guerrier Rémi (dir.) INETOP CNAM, Paris 2005

 

LAS VERGNAS Olivier, la Cité des métiers au service de ses usagers, in  Connaître les publics, savoir pour agir, Koenig Marie-Hélène (dir.) Institut de formation des bibliothécaires, Villeurbanne, 1998

 

LAS VERGNAS Olivier, Nos sociétés prendront elles le gai savoir au sérieux ? in Revue Savoirs, 2006, n°10 Université Paris X

 

MERESCA Bruno et al. Occupation du temps libre, une norme de consommation inégalement partagée, CREDOC, cahier de recherche n°210, novembre 2004

http://www.credoc.fr/pdf/Rech/C210.pdf

 

PINEAU Gaston (dir.), L'autoformation en chantiers, Éducation permanente, n° 122, 1995

 

POLIAK Claude, La vocation d'autodidacte, L'Harmattan, 1992

 

RIVERIN Danièle et SIMARD Yanik, Au-delà du lien travail-loisir, la citoyenneté, Revue Francophone Internationale de Carriérologie, 2003, Vol 9 n°2
http://www.carrierologie.uqam.ca/volume09_1-2/13_riverin/index.html

VERRIER Christian, Autodidaxie et autodidactes, l'infini des possibles, Anthropos, 1999

 

VIARD Jean, Le sacre du temps libre : la société des 35 heures, Editions de l’aube,  2002

 

YONNET Paul, Travail, loisirs, temps libres et lien social, Gallimard, 1999

 

INSEE, L’évolution des temps sociaux, Economie et statistique n°352-353, INSEE, 2002 http://www.webcommerce.insee.fr/FichesComm/ECO352/ECO352_c1.htm

 

Dossier Bibliothèques et éducation permanente Bulletin des Bibliothèque de France, 2002, n°3  http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/frontoffice/2002/03/sommaire.xsp?#

 

 



[1] Les évolutions techniques ne sont pas seules à pousser en ce sens : d'autres mutations -dans les besoins et attentes- ont induit l’obsolescence de certains outils et pratiques entraînant de nécessaires adaptations. Par exemple, il n’y a pas que l'industrialisation des machines qui ont fait disparaître la broderie à la main : les jeunes filles ne sont plus tenues aujourd’hui de se constituer un trousseau fait main qui démontre leur savoir faire.

[2] voir http://www.cereq.fr/cereq/fc2000/Default.htm#Présentation et par exemple Céreq Bref n°172, Février 2001

[3] encadré sur l’enquête Insee 2000 (op. cit.) paru dans la revue Sciences humaines n° Hors Série 40, 2003.

[4] C. Bonaïti, A. Fleuret, P. Pommier, P. Zomora", pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins", DARES N°116 2006

[5] Globalement, nous nous retrouvons donc comme en amont des créations des Presses Universitaires académiques ou des “ corpos ” étudiantes centralisant les polycopiés tout au long du dernier siècle. 

[6] Certes, quelques exemples de véritables intégrations entre le e-learning et les intranets commencent à voir le jour, remettant par la même en cause la notion de plates-formes dédiées à la formation professionnelle en ligne et leur économie balbutiante. En effet, qui dit entreprise apprenante dotée d’un intranet gérant les connaissances dit système intégré de formation et non plate-forme informatique séparée pour la e-formation.

[7] Comme les amateurs de DivX ou des logiciels libres, pratiquants du tuning des Gti, voire certains passionnés d’accordéons

[8] Figure de proue de ce marché balbutiant le soutien scolaire qui seul commence à devenir clairement visible y compris dans les bacs de la grande distribution et même sous forme de guides à la révision via internet .

[9] Cela dit, il y a fort à parier que même lorsqu’elle sera jugée comme définitivement intégrée socialement, cette e-formation aura malheureusement encore ses exclus, exclus par principes, par allergie ou par “ exclusion sociale globale ” tout bonnement.

 

[10] Voir Carré, Philippe, L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir Dunod, Paris 2005

[11] La construction d’infrastructures ouvertes type Wikipedia peut considérablement accélérer la structuration de réseaux d’échanges de savoirs. Un défi essentiel serait d’arriver ainsi à interconnecter la e-formation institutionnalisée avec les multiples ressources moins coûteuses et plus “ informelles ” qu’Internet peut véhiculer et faire vivre.

[12] La question de l’évolution des métiers joue sans doute : la généralisation du e-learning fera converger le secteur de la formation avec celui de la production multimédia générant des crises d’identités. Cela dit, de telles inquiétudes ne suffisent pas à expliquer la non généralisation : nous ne sommes pas face à une profession qui résiste à une restructuration qui la menace. Et de fait, quand on observe la situation, on ne voit pas vraiment des “ freins ” qui seraient bloqués.

[13] la e-formation impose des investisseurs capables de résoudre le problème de la gestion et de la création des infrastructures. Difficile de conduire seuls ce changement d’échelle pour les investisseurs classiques et difficile d’en trouver de nouveaux, surtout après la volatilisation de la bulle de la net économie. Beaucoup s’accordent donc à penser que la rentabilisation économique ne peut se trouver qu’avec des alliances entre nouveaux entrants sur le marché et professionnels de la formation, sur des produits qui seraient explicitement “ mixte ” entre formation présentielle classique et formation en ligne]. Mais, encore faudra-t-il trouver comment convaincre ces nouveaux entrants en terme de solvabilité des futurs clients.

[14] Voir en particulier les travaux de Fabienne Berton (Cnam),  par exemple “ La demande individuelle de formation en cours de vie active et ses particularités institutionnelles françaises” in Les cahier du Lasmas, n°01-1 disponible à http://www.iresco.fr/labos/lasmas/cahiedoc/c011_Berton.pdf 

[15] . in Fabienne Berton, La demande individuelle de formation….  op.cit.  Signalons malgré tout que cet article fait référence à une estimation empirique du nombre annuel de personnes qui suivent de leur propre volonté individuelle une formation à hauteur de 500 000. Voir aussi BERTON Fabienne CORREIA Mario, LESPESSAILLES Corinne et MAILLEBOUIS Madeleine, Initiative individuelle et formation, Contributions de la recherche, état des pratiques et étude bibliographique, Paris, L’Harmattan, 2004 .

[16] Voir sur ce sujet Claude Dubar et Charles Gadéa (dir.) : La promotion sociale en France, Presses universitaires du Septentrion, coll. Sociologie, 1999 et en particulier dans cet ouvrage, le texte de Gérard Podevin, " Formation promotion sociale et professionnelle : un lien démocratique rompu ". Voir également les travaux du Groupe « Prospective des métiers et qualifications » du commissariat général du plan à partir de l’enquête Formation continue Insee 2000 (op. cit.) sur  http://www.plan.gouv.fr/organisation/sas/PMQ/seance7-atel3.htm

[17] C. Bonaïti, A. Fleuret, P. Pommier, P. Zomora", pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins", DARES N°116 2006

[18] op. cit. (voir notes 2 et 3)

[19] Voir LAS VERGNAS Olivier, Des cités des métiers et de la santé à l’empowerment in Actes du Colloque international "Orientation passé, présent, avenir", L’orientation scolaire et professionnelle, N°hors série, vol 3, Desclaux Bernard et Guerrier Rémi (dir.) INETOP CNAM, Paris 2005 et DREVET Danièle et MONOD Ambroise. (coord.), Usager acteur… la Cité des métiers, in Actualité de la formation permanente, Centre Inffo, France n° 158, 1999

[20] Sauf marginalement quelques bibliothèques, voir par exemple Dossier Bibliothèques et éducation permanente Bulletin des Bibliothèque de France, 2002, n°3  http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/frontoffice/2002/03/sommaire.xsp?#

[21] L’auteur s’appuie sur son expérience à la Cité des sciences à Paris. Voir : Las Vergnas, Olivier Nos sociétés prendront elles le gai savoir au sérieux ? in Revue Savoirs, 2006, n°10 Université Paris X

[22] Cazes Georges, Potier Françoise,  Un système vacancier français  in La France des temps libres et

des vacances, Jean Viard (dir.), éditions de l'Aube / DATAR, 2002.

[23] Meresca Bruno et al. Occupation du temps libre, une norme de consommation inégalement partagée, CREDOC, cahier de recherche n°210, novembre 2004

[24] Une initiative individuelle de formation entre idéal méritocratique, philosophie humaniste et injonction sociale, Fabienne Berton, Mario Correia in Initiative individuelle et formation, contributions de la recherche, état des pratiques et étude bibliographique, L’Harmattan, 2004

[25] Nous faisons ici référence aux « 3  D » qui définissent selon J. Dumazedier 3 dimensions complémentaires des loisirs : Délassement, Divertissement et libre Développement.

[26] Au moins trois raisons complémentaires peuvent leur nuire. D'une part, ces lieux se situent en dehors de l'économie traditionnelle et du retour sur investissement caractéristique de la formation instituée. D’autre part, ils ne ressemblent pas assez à des lieux d’apprentissage scolaires et trop à des lieux de divertissement : les tenants du marteking culturel en formatent en effet les contenus en objets consommables et bien repérés comme étant dans la sphère des loisirs. Enfin, elles n’offrent que peu de moyens de mobiliser[26] les connaissances pour les transformer en savoirs acquis:

[27] en France, on constate ainsi l’ambiguïté de la plupart des réseaux publics, comme les CIO, ALE et autres centres AFPA ou même CARIF qui souvent souhaiteraient, mais en réalité n’ont finalement jamais mission principale d’informer ou de conseiller directement Monsieur ou Madame tout le monde.

[28] Une étude de la Dares (Premières informations, premières synthèses, n°09-1 2001), citée par F. Berton, op. cit.  indique d’ailleurs que “ c’est dans les entreprises qui forment le moins leurs salariés que l’on trouve aussi le moins de demande de congé et ce sont les salariés des entreprises particulièrement impliquées dans la formation qui en bénéficient le plus [… ce qui peut laisse penser que cela vient d’une]  meilleure connaissance des dispositifs de formation de la part des salariés déjà sensibilisés à la formation. 

[29] Sandra Bellier, Le e-learning, pédagogie, contenus, modalités, acteurs. Editions Liaisons et Gégos, Paris, 2001.

[30] En moyenne une VAE demande un an, beaucoup de travail d’écriture de dossier et quelques centaines d’euros. Voir par exemple LABRUYERE Chantal, La VAE quels candidats pour quels diplômes ?, Bref Cereq, n°230, Marseille, mai 2006  http://www.cereq.fr/pdf/b230.pdf#search=%22etude%20VAE%22